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6 novembre 2019

«L’économie de la nature», comment réconcilier écologie et économie

Philosophe féroce à l’égard du néolibéralisme, le Québécois Alain Deneault propose une histoire de la notion d' »économie » en une série de six petits livres thématiques, inaugurée par un ouvrage consacré à la nature.

« Reprendre l’économie aux économistes », c’est là le projet d’Alain Deneault. Le philosophe québécois, réputé pour sa plume affilée à l’égard du monde de l’entreprise (« La Médiocratie », Lux, 2015) et du management (« Gouvernance », Lux, 2013), engage cet automne un vaste chantier de réhabilitation. Car si le terme d’économie est aujourd’hui essentiellement associé à la sphère financière et aux stratégies comptables, il n’en a pas toujours été ainsi.

En six petits volumes, constituant sur deux ans ce qu’il nomme un « feuilleton théorique », le chercheur entend redonner à ce terme la richesse sémantique dont l’émergence de la « science économique » l’a dépouillé. La politique, la foi, la physique ou la vie intellectuelle, autant de domaines qu’aborde Alain Deneault dans cette exploration large de l’économie, comprise comme l’expression d’un équilibre subtil et mystérieux entre les êtres et les choses.

L’écologie, sujet majeur de notre temps, constitue le point d’entrée de cette quête. Dans « L’économie de la nature », premier volume d’une série au long cours, l’auteur retrace l’histoire d’une idée qui prend corps chez les naturalistes et les premiers économistes, les « physiocrates » du 18e siècle.

L’histoire d’une idée

La couverture du livre « L’économie de la nature » d’Alain Deneault. [Editions Lux] Pour Carl Von Linné, naturaliste suédois, l’économie de la nature reflète le génie de la volonté divine. Pour Buffon, père de l’histoire naturelle, le monde sauvage est une friche infâme, un chaos sans intelligence dans lequel l’homme se doit d’apporter ordre et harmonie: « la nature brute est hideuse et mourante; c’est moi, moi seul qui peux la rendre agréable et vivante » écrit-il.

La nature subordonnée, la voilà qui devient ressource à exploiter. L’émergence d’une économie souveraine favorise la naissance d’une production agricole excédentaire, destinée à dégager toujours plus de bénéfices. Et c’est « la nature qu’on repousse hors-champ », comme l’écrit le malicieux Deneault. En déroutant l’économie des équilibres naturels, on appauvrit non seulement la définition du mot « économie », mais également, plus grave encore, notre compréhension de la nature et de ses relations à l’humain.

Réconcilier écologie et économie, comme le professent de nombreux politiciens, reviendrait donc à retrouver le chemin de cette « économie de la nature » ancienne, celle d’avant l’émancipation d’une économie désincarnée. Vaste programme, dont les petits ouvrages d’Alain Deneault, couvertures colorées comme les « Que sais-je? » d’antan, constituent un stimulant point de départ.

Nicolas Julliard, RTS, 6 novembre 2019

Lisez l’original et écoutez l’entretien ici.

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