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18 novembre 2019

«Mélancolies identitaires»: plongée dans les idées de Bock-Côté

Derrière son titre volontairement provocateur, Mélancolies identitaires. Une année à lire Mathieu Bock-Côté est un essai littéraire dans lequel l’auteur et sociologue Mark Fortier aborde à sa façon des thèmes chers au populaire chroniqueur de droite.

«Ce n’est pas personnel», précise d’emblée Mark Fortier, conscient que le titre de son ouvrage susciterait la polémique.

Sa démarche littéraire, basée sur les propos du chroniqueur du Journal de Montréal, est peu commune au Québec et il en a bien conscience, lui qui est éditeur chez Lux, où son ouvrage paraît. 

«Je ne parle pas de Mathieu Bock-Côté comme individu, je m’intéresse à son discours.»  

Mark Fortier établit cette nuance à quelques reprises en entrevue. Il reconnaît même des qualités à celui qui signe aussi des textes dans Le Figaro, en France. En plus d’être un «grand communicateur», MBC est un homme intelligent à la «force de travail» admirable, dit-il. 

Cela ne l’empêche pas, dans son essai, d’être acerbe à l’égard du chroniqueur, comme lorsqu’il le compare au Schtroumpf à lunettes – «cet être grandiloquent, verbeux, sentencieux» – ou qu’il le qualifie de «Zemmour à visage humain». 

«J’ai entendu un échange entre un libraire et un lecteur. En gros, le libraire disait : “Le propos de Mark Fortier tend à être meilleur lorsqu’il s’éloigne de Mathieu Bock-Côté.” Le client a répondu : “Le Québec aussi.” Ça résume bien mon livre!»

Mark Fortier, auteur et éditeur chez Lux

«Je ne le ménage pas, mais lui-même ne ménage personne, se défend l’auteur. Il qualifie ses opposants de délirants, dit que les féministes criminalisent le désir de l’homme. Il dit même que les progressistes – qui vont pour lui de Justin Trudeau à Francis Dupuis-Déry – sont en train d’instaurer un système totalitaire!»

Mark Fortier reproche à Mathieu Bock-Côté de défendre un discours flou et souvent contradictoire, dans lequel «l’énonciation prime sur l’énoncé». «Il tient un niveau de généralité et d’imprécision qui passe pour de la hauteur intellectuelle et qui, à mon avis, est de la lâcheté, car il cache ainsi ses idées les plus radicales derrière une grande imprécision de langage», soutient-il.

Pour illustrer son propos, l’éditeur cite en exemple le mariage gai. «Il ne dira jamais qu’il est contre, il dira plutôt quelque chose comme: “La gauche progressiste détruit les invariants anthropologiques.” Quand un manifestant contre le mariage gai lit ça, il se reconnaît.»

Mais pourquoi s’en prendre à Mathieu Bock-Côté et non à un autre chroniqueur de droite? «Comme l’exercice consistait à le lire tous les jours, ça me prenait quelqu’un de prolifique. C’était déjà un avantage. De plus, on le présente comme le plus grand intellectuel de sa génération. On l’a comparé à Machiavel, à Balzac… Alors, regardons ça de plus près.»

«Je n’ai pas écrit ce livre avec de la haine au cœur», assure l’auteur Mark Fortier.

Mélancolies identitaires n’est pas un recueil des écrits de l’auteur et chroniqueur, mais plutôt une réflexion sur le Québec basée sur les thèmes qui lui sont chers. Ainsi, Mark Fortier perçoit MBC comme une «porte d’entrée intéressante sur ce qui arrive au monde contemporain.» 

Dès l’introduction, l’essayiste compare sa démarche à celle de Morgan Spurlock, qui s’était imposé de ne manger que du McDonald’s dans le documentaire Super Size Me (2004) afin de comprendre les effets de la malbouffe sur le corps. «J’ai fait la même chose avec Mathieu Bock-Côté pour voir comment ça teinterait mon regard sur le monde.»

Reprenant la formule de l’écrivain Jacques Ferron, il qualifie son essai de mélange d’«historiettes et d’escarmouches», les premières étant ses propos polémiques, et les secondes, ses réflexions plus approfondies. «Quand on lit Mathieu Bock-Côté, on ressent rapidement le besoin de voir le monde hors de lui. C’est pour ça que mon regard le quitte», dit-il.

Ainsi, en consacrant des chapitres entiers à son oncle Henri, vétéran de la Première Guerre mondiale, au concept des centres commerciaux ou encore à l’auteur de gauche Pierre Vallières, Mark Fortier traite de thèmes comme l’immigration et la transmission.

«J’aborde ces thèmes délicatement, par des histoires, au lieu de faire de la sociologie technique. C’est ce qui rend mon livre intéressant», dit-il en riant. 

Après un an à le lire, comment la perception qu’a Mark Fortier de Mathieu Bock-Côté a-t-elle évolué? Sa réponse s’étaye au fil de la discussion. 

«Ce qui m’a le plus troublé, c’est qu’il pense toujours “contre”; il y a une grande facilité dans sa démarche, avance-t-il. Et ce qui m’a surpris, c’est qu’il ne parle jamais du Québec, bien qu’il soit amoureux de l’idée d’aimer le Québec.»

Par exemple, MBC écrit rarement sur l’environnement, déplore l’auteur. «C’est irresponsable de prétendre à une connaissance intellectuelle et savante du monde et de ne pas dire une ligne sur le climat. Comment peut-on prétendre aimer son pays alors que le cœur de celui-ci, le fleuve Saint-Laurent, est en train de mourir? Il est aussi déconnecté que les gens qu’il estime déconnectés, sinon plus!»

Enfin, Mark Fortier émerge de cette «corvée» d’un an plus préoccupé qu’il l’était au départ. «Ce qui m’a le plus frappé, c’est son absence de bonté. Je suis sûr qu’il y en a chez lui, mais il n’y en a pas dans ses écrits. Selon moi, c’est terrifiant.»

Débat

Contacté par Métro, Mathieu Bock-Côté n’a pas souhaité commenter la sortie de ce livre. Par ailleurs, Mark Fortier et lui ne se sont jamais rencontrés. «C’est assez curieux, car j’aurais pu lui enseigner, lorsque j’étais chargé de cours à l’UQAM et qu’il était étudiant, et on a plein d’amis en commun», commente l’éditeur.

Ce jour pourrait arriver mais, pour l’instant, Mark Fortier décline les invitations au débat. «Je dois d’abord avoir l’occasion de parler de mon livre», dit-il, comparant la situation à un débat électoral qui aurait lieu au début d’une campagne, avant que les candidats aient pu présenter leurs idées. 

Mark Fortier sera au Salon du livre samedi de 18 h à 19 h 30 et dimanche de 15 h à 16 h 30.

Marie-Lise Rousseau, Métro, 18 novembre 2019

Photo: Josie Desmarais/Métro

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