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13 octobre 2015

Ces «médiocres» qui mènent le monde

Connu pour ses batailles contre l’industrie minière et les paradis fiscaux, l’auteur et philosophe Alain Deneault remonte au front. Cette fois, pour dénoncer le sommeil de la pensée critique et la médiocrité hissée au rang de norme sociale, dans de nombreux cercles de pouvoir.
«Il faut penser mou et le montrer. L’assaut a bel et bien été lancé, les médiocres ont pris le pouvoir », clame dès la première page La médiocratie, le dernier coup de fronde de l’auteur polémiste.

À n’en pas douter, Alain Deneault a le sens de la formule et bien plus. L’auteur des brûlots Noir Canada et Paradis fiscaux récidive dans ce nouveau pavé contre ce qu’il considère être le nouveau poison social. L’omniprésence d’un nouvel ordre invisible, qui privilégie la norme, le terne milieu, le consensus à tout prix au détriment d’idées lumineuses, dérangeantes.

Des exemples ? Des politiciens qui éludent les enjeux controversés, des universitaires qui accouchent de recherches complaisantes pour plaire aux subventionnaires, des universités qui étouffent la pensée critique plutôt que d’encourager l’audace. Loin de ne contaminer que les hautes sphères du pouvoir, la médiocrité étend ses tentacules jusqu’au petit travailleur qui tait la collusion ou l’ineptie de ses supérieurs pour grimper dans l’échelle sociale.

« En ce moment, estime Deneault, nous nageons dans l’extrême centre, le tout gris, l’évidence réfléchie. La médiocratie, c’est le sommeil de la pensée critique », dit-il, prenant pour exemple les charabias édulcorés propres aux campagnes électorales.

Ce nouvel essai critique n’est pas né des enquêtes fouillées qui ont fait la marque de Deneault — et lui ont valu une poursuite-bâillon de l’industrie minière en 2008 —, mais d’un exercice de réflexion sur « cet enjeu colossal mais plus flou » qui afflige nos contemporains. « Les appareils du pouvoir, de par leurs stratégies, enjoignent aux acteurs sociaux de rester moyens. Ce qui me gêne, c’est que ça impose des limites aux gens, ça leur impose de ne pas exprimer un potentiel. La médiocrité non seulement a pris le pouvoir, mais empêche l’émergence de propositions fortes », insiste l’auteur.

Et qui sont donc ces médiocres qui nous dirigent ? Deneault pointe du doigt tous ces cercles qui permettent à de « parfaits incompétents » d’accéder au pouvoir, « s’ils jouent le jeu ». En cette ère post-commission Charbonneau, où le Québec a vu des dizaines de hauts placés, maîtres du mensonge et de la collusion, déculottés sur la place publique, l’ouvrage coup de poing vise bien plus que les seules classes politiques ou financières. Les avaries causées par cette culture de la médiocrité sont partout, déplore-t-il, y compris chez ceux qui devraient être les gardiens de la pensée.

Les universités dans la mire

« Dans les universités, il y a une prime à la médiocrité quand on encourage la production d’articles non signifiants, l’autocensure, la complaisance au détriment d’idées originales. Je ne dis pas que tous les universitaires sont médiocres, mais il y a un incitatif sérieux à faire de “petites” choses pour obtenir des subventions, des avancements, en utilisant des mots vides, sans impact social », critique Deneault. Et vlan.

Les auteurs de thèses qui dérangent, croit-il, ont tôt fait de voir leurs fonds se tarir si leurs conclusions égratignent quelques industries. À l’inverse, décrie l’auteur chargé de cours à l’Université de Montréal, l’obsolescence programmée, la colonisation de l’esprit par la publicité font partie des champs de recherche hautement subventionnés dans les institutions du savoir.

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Isabelle Paré, Le Devoir, 13 octobre 2015

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