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3 octobre 2018

Que faire d’une ville laide?

SCREENSHOT #3. Réponse dans “Bruxelles Chantiers – Une critique architecturale de l’Europe”, de Ludovic Lamant.

Je lis ce livre pour une raison toute bête : son sujet est original. Regarder ce qui se reflète des problèmes de l’Europe dans l’architecture du quartier européen de Bruxelles m’attire plus que l’énième opus geignant sur notre incapacité à bâtir une Europe politique et culturelle. Tout à coup, la question européenne devient très concrète, en tout cas très matérielle: on fait de Bruxelles la capitale de l’Europe, d’accord, mais quelle architecture va avec l’idée de l’Europe?

Il suffit d’avoir fait un tour une fois dans sa vie à Bruxelles (ou même de regarder un peu attentivement les images d’actu) pour se rendre compte que ce qui a été bâti dans ce quartier est froid, bureaucratique, déprimant. C’est donc ça l’Europe? Pourquoi n’avoir pas construit autre chose? Autrement? Le problème est politique évidemment, mais il est aussi architectural.

Dans le livre, on découvre (en tout cas je découvre) que de très grands architectes ont participé à la construction de ce quartier, ou répondu à des appels à projets. Notamment le Néerlandais Rem Koolhaas et le Français Christian de Portzamparc, qui s’affrontent en 2008 pour la transformation d’un endroit particulièrement laid, la rue de la Loi, une autoroute urbaine qui innerve le quartier. A la page 44 du livre de Ludovic Lamant, on lit à propos des deux projets :

Cette opposition entre deux manières de traiter la laideur me plaît: «chaos» contre «élégance». Ici elle s’applique à l’architecture, mais j’ai l’impression qu’on pourrait l’étendre à bien d’autres arts, voire à bien des circonstances de la vie. Ce qui est intéressant, c’est qu’il n’y a pas de hiérarchies entre ces manières de faire. D’un côté, le chaos, oui, mais par quête de sublime. De l’autre l’élégance, certes, mais obtenue en effaçant ce qui gêne.

C’est drôle que les architectes doivent faire face aux mêmes problèmes que nous (la laideur) et qu’ils aient pour les résoudre une alternative assez similaire : soit la «corriger», soit la confronter frontalement à la beauté, avec les avantages et inconvénients de chacun des choix. En tirant un peu les choses, c’est l’alternative politique entre le réformisme et la révolution.

Rem Koolhaas et Christian de Portzamparc ont candidaté l’un contre l’autre. L’Europe a tranché en 2010. Devinez pour quel projet.

Xavier de La Porte, BibiObs, 3 octobre 2018

Photos: extraits de Bruxelles chantiers, Audrey Cerdan

Lisez l’original ici.

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