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24 mars 2011

La volonté du peuple

De lui on sait peu de choses : ni sa date de naissance ni celle de sa mort. Anselme Bellegarrigue serait né à Toulouse entre 1820 et 1825. Après le coup d’État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, il part pour le Honduras puis San Salvador où il serait devenu ministre. On perd alors la trace de cet anarchiste qui aurait fini sa vie comme pêcheur sur les côtes du Pacifique.

Personnage étonnant, Bellegarrigue fut un théoricien proche de l’anarcho-capitalisme qui lui faisait écrire en 1850 : « Le mot le plus dépourvu de sens qui ait été prononcé depuis la Révolution de février c’est celui-ci : L’IMPÔT SUR LES RICHES. (…) Le coup que vous voudrez porter au riche ira frapper sur l’industriel, sur le prolétaire, sur le pauvre. Voulez-vous exonérer le pauvre ? N’imposez personne. »

Dans sa collection « l’instinct de liberté », l’éditeur canadien Lux propose de redécouvrir deux textes du fondateur du journal L’Anarchie qui n’eut que deux numéros : Manifeste de l’anarchie et Au fait, au fait !! Interprétation de l’idée de démocratie.

La pensée de cet énergumène tient en deux points : la souveraineté du peuple et le refus du pouvoir. Une anecdote la résume parfaitement. En 1848, un jeune ouvrier parisien ému aux larmes par la Révolution lui lance : « Cette fois, on ne nous la volera pas, notre victoire ! » Et Bellegarrigue de rétorquer : « Ah, mon ami, la victoire, on vous l’a déjà volée. N’avez-vous pas nommé un gouvernement provisoire ? »

Comme souvent chez les anarchistes, il s’y manifeste une sorte d’instinct dans la façon d’agripper la politique par le col. « Savez-vous ce qui fait qu’un maire est agressif dans sa commune ? C’est le préfet. Supprimez le préfet, et le maire ne s’appuie plus que sur les individus qui l’ont nommé ; la liberté de chacun est rétablie. »

Derrière ce refus du pouvoir et l’appel à la jouissance, Bellegarrigue prône un anarchisme individualiste. « La République c’est nous, c’est la France réelle, la matière exploitable et exploitée ; la curée de toutes ces républiques forcenées, de tous ces partis qui ont le bien d’autrui pour rêve et la paresse pour idole. »

Cet homme qui ne croit pas à l’efficacité des révolutions trouve sa pitance dans la désorganisation susceptible d’apporter une nouvelle harmonie sur le corps social. Bellegarrigue ne nous dit pas comment, mais sa verve et son enthousiasme font souvent mouche quand il appelle à dépasser la peur. « La peur n’est que la condamnation de soi-même, et dès qu’on s’est condamné, les exécuteurs ne manquent pas. » Voilà qui, plus d’un siècle et demi plus tard, entre en résonance avec les mouvements d’émancipation dans le monde arabe où des hommes et des femmes ont surmonté leur peur des dictateurs au péril de leur vie et au nom de la liberté.

Laurent Lemire, L’agitateur d’idées, mars 2011

 

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