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9 novembre 2019

Gabriel Nadeau-Dubois appelle à une «Révolution tranquille verte»

Gabriel Nadeau-Dubois met en garde le premier ministre, François Legault, contre le risque qu’il se retrouve dans les annales de l’Histoire parmi les chefs de gouvernement qui n’ont pas voulu saisir l’importance de la crise qui s’est présentée à eux.

Au lendemain du krach de Wall Street, en 1929, le président Herbert Hoover déclare que « les activités fondamentales [des États-Unis] reposent sur des bases saines, très prometteuses pour l’avenir ». Or, l’Amérique sombre dans la Grande Dépression. Des chômeurs s’entassent dans des bidonvilles, qu’ils affublent du surnom « hooverville ».

« Opterez-vous pour le déni, comme le président Hoover [?] Ni vous ni moi ne souhaitons qu’il y ait un jour des “legaultvilles” au Québec », écrit M. Nadeau-Dubois dans sa Lettre d’un député inquiet à un premier ministre qui devrait l’être.

L’auteur militant s’inquiète de la « légèreté » avec laquelle M. Legault « aborde la crise écologique ». Or, si rien n’est fait, le mercure montera. Le niveau du Saint-Laurent, sur les rives duquel 60 % des Québécois résident, aussi. Des milliers de terrains, de bâtiments, de kilomètres de routes ainsi que des paysages, des vies seront « perdus » dans quelques décennies, avertit M. Nadeau-Dubois.

« Le jour où il va falloir déménager des centaines de milliers de Québécois parce qu’ils sont en zone inondable et qu’on va devoir peut-être les entasser dans des hébergements temporaires, j’espère qu’on ne se mettra pas à dire que ce sont des « Legaultvilles » pour ironiser sur le fait que François Legault nous avait tous dit : “Calmez-vous les jeunes, ce n’est pas si pire les changements climatiques” », dit-il dans un entretien avec Le Devoir.

Projets destructeurs

Au fil de la dernière année, M. Legault a choqué M. Nadeau-Dubois, en militant en faveur du projet de construction d’une usine de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay et du projet deconstruction d’un 3e lien routier entre Québec et Lévis.

Le « 3e lien » favorisera l’étalement urbain, craint l’élu de Gouin, pour qui « la transformation des banlieues québécoises sera l’un des champs de bataille prioritaires de la lutte climatique au Québec ».

« C’est précisément ce mode de vie qui est en train de détruire les conditions écologiques de notre prospérité », écrit-il à M. Legault dans son ouvrage de 100 pages.

«Il arrive que les chevreuils, aveuglés par la lumière, se laissent écraser par la menace qui fonce sur eux. Ne soyez pas ce chevreuil, monsieur Legault. […] Notre destin nous appartient encore, mais pas pour longtemps. Quant à vous, vous avez également un choix : nous accompagner dans cette tâche ou en être l’adversaire. Je n’ai aucune difficulté à reconnaître que je préfère et de loin la première option. Je sais également, monsieur le premier ministre, que ce serait beaucoup plus facile et beaucoup plus rapide si vous consentiez à nous aider.¢

Gabriel Nadeau-Dubois

L’élu montréalais se défend de vouloir casser du sucre sur le dos des banlieusards québécois, qui « ne sont pas du mauvais monde ». « Faire le procès de la banlieue, c’est quelque chose d’inutile et de contre-productif. Il faut transformer la ville pour la rendre à nouveau attrayante et transformer la banlieue pour la rendre écologiquement soutenable», souligne-t-il à gros traits.

« GND » invite le premier ministre à imaginer une « banlieue redessinée, densifiée, verdie, dans laquelle il y aura peut-être moins d’entrées de garage individuelles, mais certainement autant d’esprit de famille et probablement un peu plus d’espaces partagés et de sentiment de communauté ».

Démocratie en péril

Aux yeux de Gabriel Nadeau-Dubois, le Québec est mûr pour une « révolution tranquille verte ». Le risque de l’inaction est trop grand. « Parce que si la démocratie démontre son impuissance à régler la crise écologique, ce n’est pas juste la bataille climatique qu’on va perdre, c’est aussi la démocratie », dit-il sans détour au Devoir.

« Quand les gens deviennent inquiets pour leur survie, ils peuvent se tourner vers des options pas rassurantes et autoritaires. Moi, je ne veux pas qu’on se rende là », poursuit-il.

Deux ans et demi après avoir été élu la première fois à l’Assemblée nationale, « GND » dit constater les « limites de l’action politique » — qui plus est dans le « système médiatico-politique » actuel.

« Tout est organisé pour nous détourner de ces enjeux-là [liés au réchauffement climatique] et nous amener, médias et politiciens, sur des débats secondaires, spectaculaires, qui vendent », fait-il valoir.« C’est une critique autant des journalistes que des politiciens. « It takes two to tango », précise-t-il alors que les choix vestimentaires de la députée solidaire Catherine Dorion ont fait la manchette.

Dans sa lettre au premier ministre, Gabriel Nadeau-Dubois n’hésite pas à écorcher le discours écologique qui tourne autour sur des « sacrifices », des « renoncements », et des « privations ». « On a beaucoup tendance, par réflexe, à insister sur ce qu’on va perdre avec la transition écologique et ça fait le beau jeu des adversaires. On aurait avantage à insister plus sur ce qu’on va gagner », soutient-il. Sinon, le mouvement écologiste court l’« énorme risque » d’être « perçu comme un mouvement anti-classe moyenne, anti-banlieues, anti-région », ce qui le discréditerait aux yeux de plus d’une personne.

Marco Bélair-Cirino, Le Devoir, 9 novembre 2019

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